Quelle est la nature de l’effort qu’il faut faire pour appartenir à la Patrie ? Est-ce une appartenance de raison ou d’attachement sentimental ? Traitée comme elle a été, cette étendue de terre qu’est la Guyane avec ses habitants n’a jamais senti cette affection qui la lierait par l’histoire à ce pays hexagonal qui se trouve en Europe. Même avec la départementalisation de 1946 le pays Guyane, celui de ceux qui réclament dignité et liberté, n’a jamais senti appartenir à la communauté politique nationale.
L’étroitesse des liens n’est que constitutionnelle et surtout opportuniste. Nombre d’exemples nourrissent notre mémoire comme l’époque du Bumidom, l’époque de la discrimination par les allocations familiales, le smic, l’époque du plan vert avec son arbitraire dans l’attribution des terres agricoles et des subventions. Plus proche de nous, sous le dernier mandat de Georges Othily en qualité de Président de Région (1986 à 1992) le Gouvernement français a refusé d’apporter sa contribution dans le financement des investissements qui étaient indispensables au développement du territoire. Seuls les contribuables vivant sur le territoire ont amorti l’emprunt de 300 millions de francs par l’accroissement substantiel des impôts et taxes tels que l’octroi de mer, la taxe professionnelle, la taxe d’habitation et la taxe foncière.
Cette démarche défiant le principe de la continuité territoriale. Pourtant, ces investissements étaient utiles et sont toujours utiles aux citoyens. Selon les dirigeants d’après 1992, l’emprunt a été amorti intégralement en 2002. Je passe sur l’aberration de ce choix qui défie toute orthodoxie financière entre l’amortissement des investissements et celui de l’emprunt. Mais, pourquoi ces impôts et taxes n’ont pas été revus à la baisse à compter de 2003 ?
Est-il moralement juste que l’on continue à payer des impôts et taxes à ce niveau alors que l’endettement lié à ces investissements a été couvert ? Ne serait-ce pas salutaire d’assigner au Tribunal ou devant une commission ad hoc le Président de Région de l’époque ainsi que le Préfet afin de connaître avec précision l’accroissement des taux des différentes taxes qui ont servi à rembourser l’emprunt étant entendu que le premier budget primitif concerné n’est pas suffisant ?
Aimer répond à une loi de réciprocité, un respect mutuel. Quelle est la nature de l’effort qu’il faut faire pour appartenir à la Patrie ? Lorsque le Président de la République fait savoir aux habitants de ce territoire qu’il n’est pas le Père Noël, il y a un vrai problème de considération… Le Père Noël existe pour qui ? Pour des enfants. Qui croît au Père Noël ? Les enfants. Ni les adolescents, ni les adultes normalement constitués ne croient au Père Noël. Par implication, le Président de la République a pensé voir en nous des majeurs non émancipés donc, immatures, irresponsables.
Est-ce la réalité ? Vous savez que voir n’est pas juste jeter un regard mais, bien plus que ça. Dans ce cas de figure la lumière qui lui permet de nous voir ainsi est la conception construite à partir d’une certaine idéologie. La vraie question est de savoir si nous nous voyons comme il nous voit… J’espère que nous sommes suffisamment nombreux pour ne pas nous voir comme tel. En conséquence, il y a au minimum deux façons de nous voir. Elles sont fonction de notre niveau de conscience. Si nous avons une haute opinion de nous à partir d’éléments objectifs, nous sommes dignes d’appartenir à la gente humaine et ceci nous autorise à voir le monde, à voir notre avenir de manière différente de la vision du Président de la République. Autrement, sa perception est juste et nous appartenons au monde des enfants presque pour l’éternité en sachant que notre passage dans le monde des vivants est une erreur cosmique.
Quelle est la nature de l’effort qu’il faut faire pour appartenir à la Patrie ? Sur WhatSapp, un ancien Président de la République, monsieur Nicolas Sarkozy, devant une assemblée de centaines de personnes expliquait que la lutte pour le climat était nécessaire mais, ce qui est le plus grave est «l’explosion démographique» et d’ajouter tout de suite de manière effrayée «Le Nigéria aura plus d’habitants que les Etats-Unis» et il continue en précisant l’accroissement de population de l’Afrique. Selon lui la démographie africaine est plus dangereuse que le réchauffement climatique. Les centaines de personnes qui l’écoutaient se sont mises à l’applaudir. On pourrait légitimement penser, à partir de son observation subjective, qu’il est urgent de stopper par tous les moyens cet accroissement démographique africaine même en validant le nouveau cimetière qu’est la Méditerranée. N’est-ce pas un pays occidental qui a largué deux bombes atomiques sur le peuple japonais (Hiroshima et Nagasaki). Qu’est-ce qui me différencie d’un nigérien et plus globalement d’un africain ?
Quelle est la nature de l’effort qu’il faut faire pour appartenir à la Patrie ? Le sous-développement chronique de ce territoire peut-il satisfaire notre désir d’épanouissement et d’émancipation ? La rareté foncière générée par une politique datant de François 1er n’est–elle pas une arme d’immobilisation, de paupérisation des habitants au point de voir se développer de façon exponentielle des bidonvilles… Alors, dîtes-moi ne peut-on pas affirmer légitimement que nous sommes sans Patrie… Rassurez-moi, l’hexagone qui est le territoire dominant nous offre t-il la possibilité d’être partie prenante de cette Patrie… La nature de l’effort qu’il nous faut faire pour appartenir à la Patrie n’est-elle pas trop herculéenne, trop exigeante voire trop humiliante…
Si la Patrie est un territoire dont on se sent lié par l’histoire, celle de nos ascendants, la nôtre, territoire dont on se sent intérieurement lié par la culture, affectueusement amarré aux traditions, affectivement ligoté par le mode de vie fût-il évolutif, alors, alors, alors… notre Patrie ne serait-elle pas cachée tout près de nous ? La Patrie à laquelle nous pourrions avoir droit ne serait-elle pas si proche de nous que nous ne la voyons pas… Elle exigerait beaucoup moins d’efforts et sans doute aucune humiliation. (à suivre)