La Guyane est un territoire qui a un potentiel énorme en matière de développement économique. C’est un territoire qui peut contenir plus de 10 millions d’habitants dans la mesure où son espace géographique représente le 1/6ème du territoire hexagonal. Pourtant, il contient officieusement plus de 400 000 habitants alors que les statistiques officiellement en dénombrent moins de 250 000. Les ressources naturelles sont énormes par rapport à la population. Les habitants sont pluriels. Il n’y a pas si longtemps, une trentaine d’année, on continuait à parler du carrefour de toutes les différences humaines, le sang s’était entremêlé.
Quelques individus ont tout bouleversé par leur incurie, leur soif de pouvoir, leur égoïsme, leurs ambitions personnelles. Ils se sont mis à construire la société guyanaise sur la base du mensonge, sur la mystification, la manipulation. Ils ont communautarisé le territoire et ont fini par choisir certaines populations comme boucs émissaires. Les voix de la raison ne peuvent pas être audibles dans cette sphère. Comme en pareil cas, les solutions les plus simplistes, les plus populistes sont celles qui sont les plus entendues et qui se répandent le plus rapidement dans les circuits mentaux des plus fragiles qui sont les plus nombreux. La société s’est mise à se déliter progressivement et s’est accélérée avec l’avènement de monsieur Sarkozy dès l’élection présidentielle de 2007 avec son credo de la droite décomplexée. Le système dans sa configuration actuelle est la source de ce délitement et les représentants aussi bien de l’Etat qu’une bonne partie des élus locaux sont à l’origine de ce désastre. Quasiment tous les représentants de l’Etat exercent leur fonction pour la première fois en Guyane. On pourrait dire sans risque de se tromper que leur promotion est liée à une supposée réputation du territoire datant de l’époque des expéditions et de la colonisation. Par ailleurs, leur vitesse de rotation est plus que rapide pour un territoire qui a besoin de se développer avec cohérence. Les plus importants représentants de la légitimité sont costauds en paradoxes, ils veulent une chose et son contraire. Il n'y a qu'à les écouter.
La Guyane, c’est aujourd’hui un taux de chômage officiel de 22% auquel il faut ajouter un halo de 13%, c’est une société en sous-activité qui a choisi le 10 janvier 2010 sous la houlette de l’actuel Président du territoire les revenus de l’assistance à ceux du travail. C’est une société où depuis des années, des milliers d’enfants sont exclus du système scolaire. Une société où le déficit en matière de logement défie l’entendement. C’est une société où il y a de graves problèmes liés au foncier. Dans un tel contexte la délinquance a explosé, les crimes crapuleux font l’effet d’une bombe, donnent le sentiment d’une guerre. Les citoyens se sentent mal, ils ont peur et les thèses de l’extrême droite trouvent un grand écho chez bon nombre d’entre eux.
Comment a-t-on pu laisser le territoire sous l’empire de la République laïque et démocratique arriver à une telle déchéance… Lorsque certains politiques, élus ou non, appartenant à un parti préconisent la dignité, le respect, on leur attribue l’étiquette d’indépendantistes et de surcroît ils subissent des tracasseries administratives voire techniques à effets pernicieux. Aujourd’hui, nombre de citoyens ne croient plus en la politique. Ils s’organisent en collectif citoyens et veulent traiter directement avec les représentants de l’Etat sans tenir compte d’aucun protocole.
C’est dans ce contexte qu’émergent les 500 frères. Ils sont bien la conséquence du système. Ils sont bien l’expression de la relation de cause à effet. Volontairement, je ne porte pas de jugement sur eux ni sur le fond ni sur la forme. Je considère qu’il s’agit d’une conséquence du système, qu’il s’agit du résultat du dysfonctionnement de la société. J’espère simplement qu’ils sont conscients de la portée de leurs actes. Je suis atterré mais suffisamment lucide pour voir qu’ils discutent avec l’Etat. Ils ne sont ni indépendantistes, ni autonomistes, ni politiques. Ils portent la cagoule comme un attribut de leur tenue vestimentaire. Ils l’enlèvent pour s’exprimer à la télévision. Sur les réseaux sociaux, dans les messages ils sont comparés au GIGN pas aux FARC ni à aucun groupe révolutionnaire. Leur véhicule pourrait être comparé à celui des CRS, peut être que leur tenue aussi, si on évite la loupe. A la limite, il nous manque l’information selon laquelle ils seraient les laïcs de la République. Espérons qu’il n’y ait pas de dérive d’extrême-droite et que leur présence auprès des Ambassades bien ciblées n’ait été qu’une méprise, même, une illusion...
Enfin, après tout ça, les gens auront retrouvé le sourire, la situation se sera améliorée, peut être que des distinctions seront remises, que le territoire aura retrouvé des couleurs, que quasiment tous les problèmes seront réglés. La preuve sera faite qu’on n’a nullement besoin d’Etat, de règles, de République, de démocratie.
Ainsi va notre société actuelle