Ma démarche s’inscrit dans une politique qui se veut cohérente de bout en bout, c'est-à-dire de la conception de la production à sa réalisation. La production de toute chose doit correspondre à la couverture d’un besoin qui lui-même est au service du bien-être de l’homme voire de l’humanité. L’agriculture doit donc répondre aux aspirations alimentaires tout en préservant l’environnement. La Guyane étant dans l’article 73 de la constitution française, elle ne peut se soustraire à la Politique Agricole Commune (PAC). Quel est donc l’impact de l’agriculture guyanaise au sein de la PAC ?
Rappelons-nous que la volonté politique de créer la PAC résultait de l’insécurité alimentaire en Europe qui ne satisfaisait que 80% de ses besoins. Cette déficience provenait de plusieurs facteurs notamment la concurrence mondiale liée surtout aux prix des produits alimentaires mais, particulièrement à l’absence de modernisation de l’appareil productif agricole. Entre 1962 et 1970 de grands progrès ont été réalisés. L’équilibre alimentaire a été atteint dans le courant des années 70. La production agricole a été telle que le surplus a été destiné à l’exportation.
L’histoire de l’agriculture guyanaise ne me semble pas avoir été impactée par la PAC entre 1962 et 1970. Par contre, suite à des mouvements sociaux durant la période de décolonisation dans le monde et des conséquences du Jacobinisme exarcerbé dont souffrait la Guyane, en 1975, le gouvernement de Monsieur Chirac lance le plan vert dénommé également « plan Stirn » du ministre de l’Outremer Olivier Stirn. Il s’agissait davantage de faire taire les indépendantistes et les autonomistes de l’époque que de mettre en place une vraie politique agricole. Ainsi donc, il est indispensable d’avoir une lecture claire de l’activité agricole avant de prétendre introduire dans l’analyse, les effets de la PAC.
Il nous faut être d’accord pour admettre que le meilleur moyen d’avoir une lecture claire de l’activité agricole est de disposer de ses propres instruments d’analyse, d’observation, de planification et de perfectionnement. La Guyane en raison de sa nature institutionnelle ne peut se référer qu’aux services de l’Etat (DAF, INSEE etc.). Or, la vitesse de rotation des fonctionnaires d’encadrement laisse supposer légitimement une perte d’efficacité de ces instruments. Par ailleurs, si nous nous référons aux différentes missions d’audit commandées par l’Etat lors des crises graves, nombre de fonctionnaires occupent des postes pour lesquels il n’y a pas d’adéquation avec leur profil.
Que nous apprennent les données que nous disposons ? Moins de 0,4% du territoire est réservée à l’activité agricole. Autrement dit, 23176 hectares soit 232Km² de superficie. Elle est centrée sur le littoral et le long du fleuve Maroni. Le sol est pauvre en nutriments et qu’il y a des fourmis manioc, des limaces, des insectes et des mauvaises herbes qui nuisent au développement de l’agriculture. C’est le seul territoire où la France détient dans son domaine privé la quasi-totalité des terres. Certains agriculteurs exploitent des segments de terre sans titre, pour d’autres, ils pensent être propriétaires de leur terre alors qu’il n’y a rien d’officiel. Les besoins locaux ne sont pas satisfaits par la production locale. La fin des concours financiers de l’Etat dans les années 1990 a précipité le déclin de l’activité agricole. L’agriculture représente 5% du PIB.
Ces quelques éléments nous indiquent le désintérêt ou l’incapacité de ceux qui ont réellement en charge la politique agricole du territoire. A titre d’exemple, après la déconvenue en Algérie, la France tenait à l’activité spatiale. Elle s’est donnée les moyens de sa politique de l’espace en Guyane. Elle a mis à la disposition de cette activité 1000 km² de superficie, soit l’équivalent de la Martinique, en expropriant les habitants de Malmanoury et tout leur cheptel. Cette surface est plus de quatre fois plus grande que celle réservée à l’activité agricole. Après des rétrocessions, l’activité spatiale s’étend aujourd’hui sur 700 km² soit légèrement plus de trois fois celle réservée à l’agriculture.
L’agriculture, élément moteur du développement du territoire mérite plus de considération. Il n’est plus possible de la cantonner sur le littoral et le long du fleuve Maroni comme s’il y aurait une ligne de démarcation qui interdirait l’accès à la terre sur l’ensemble du territoire. Les nuisances dont on parle ne sont que la conséquence de l’emprisonnement de l’agriculture sur le littoral. Ce que l’on a fait pour toute l’Europe est bien sûr possible pour l’agriculture guyanaise. Tout est une question de volonté politique et de cohérence dans les actions de l'Etat.