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  • : Le blog de Jean-Marie Taubira
  • : Je suis Président du CRAPAG (Cercle de Réflexion et d'Action pour l'Avenir de la Guyane), Depuis le 10/12/2008, je suis le Secrétaire Général du Parti Progressiste Guyanais (PPG). Mon ambition est l'élévation de la conscience collective
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11 décembre 2011 7 11 /12 /décembre /2011 19:16

La recrudescence de braquages, de violences, n’est pas seulement la constatation de faits incontestables. Elle est une réalité qui pourrit la vie des citoyens. Elle est surtout une des conséquences de la construction sociologique de la société guyanaise. Pendant que la société se structure avec de plus en plus d’entreprises spécialisées dans la sécurité, offrant des emplois précaires et déqualifiés, force est de constater qu’il y a une inadéquation entre l’Etat de droit dont on vante les vertus et la société socialement organisée. Il n’est plus possible de constater les faits et de se contenter de dire que nous sommes dans un monde insécurisé. Il nous faut faire preuve d’esprit d’analyse et de synthèse pour dénoncer objectivement les sources de cette violence.

Admettons en préambule que dans un Etat de droit, l’individu devient un citoyen autonome tout en étant uni au groupe grâce à l’environnement sécurisé que lui offre cet Etat. Cet espace sécurisé génère une indépendance d’esprit et d’action qui va faciliter la création de richesses qui doit déboucher sur le développement de la société. De par cette proposition, nous pouvons admettre que l’Etat de droit n’est pas synonyme d’individualisme exacerbé. Par suite, l’autonomie de chaque citoyen n’est pas incompatible avec la protection collective des biens et des personnes. Au même titre, elle n’est pas incompatible avec la garantie d’une certaine justice sociale.

J’en déduis que la recrudescence des braquages et l’accroissement de la violence au sein de la société guyanaise sont le résultat d’une organisation qui est incompatible avec l’épanouissement des citoyens.

Sur le plan institutionnel, la Guyane compte un seul commissariat de police basé à Cayenne pour près de trois cents mille habitants. L’Etat a toujours donné la priorité à la construction de gendarmeries or, la construction de commissariat coûte bien moins chère. Il faut y voir une certaine conception du territoire. Comme on le sait, les gendarmes sont des militaires. Par voie de conséquence, ils sont censés vivre dans leur caserne. Par contre, les fonctionnaires de police font partie d’une autre catégorie. Ils circulent davantage dans la cité. Par cette différence, la Police Nationale est censée être plus efficace dans cette mission de sécurité urbaine. Force est d’admettre qu’en Guyane, l’efficacité de la Police Nationale n’est pas au niveau que souhaiterait la population. Une des causes est l’absence de commissariat dans les villes relativement importantes comme Kourou, Rémire-Montjoly, Matoury et Saint-Laurent du Maroni qui comptent plus de 20000 habitants chacune.

Sur le plan économique et social, il y a une destruction des emplois qui a commencé par l’Etat notamment avec la délocalisation des services comptables et financiers transférés en partie aux Antilles et dans l’Hexagone. La concentration actuelle des services de l’Etat aura une incidence du même type dans peu de temps. En tout cas, cette disposition contribue à détériorer le statut social du citoyen. Certaines entreprises privées ont pris le relais et ont implanté sur place des agences purement commerciales. Les services techniques et financiers ont été, soit transférés aux Antilles et dans l’Hexagone soit ils n’ont pas été créés sur place. En tout état de cause, il s’agit d’une contraction de l’offre d’emploi qui participe à la déqualification des postes proposés et à la précarité des fonctions. Il s’ensuit une compression de la production et par voie de conséquence un taux insupportable de chômage. Ce modèle économique explique la frilosité des établissements financiers locaux. La masse monétaire issue de cette économie est anormalement amputée de toute la partie qui se retrouve sur un autre espace géographique. En matière de logement, il est évident qu’il y a une forte demande malgré le découragement de certains qui induit le non renouvellement de leur demande auprès des sociétés immobilières. La détérioration du statut social du citoyen conduit les opérateurs immobiliers  à distinguer dans la demande globale de logement celle qui est solvable de celle qui ne l’est pas. Ainsi est accentué le processus de marginalisation, d’isolement du citoyen. Quant aux ressources naturelles, il est une évidence que sa gestion et son exploitation ne contribuent pas à l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens.

A mon sens, la conjonction de ces deux états génère de fortes inégalités qui frappent de plein fouet le peuple au point d’induire des haines contre la société source de la recrudescence des agressions. Cette injustice sociale est perceptible dans notre organisation sociétale. Comment dans ces conditions s’attendre à une meilleure interdépendance entre les citoyens, comment ne pas comprendre l’incapacité de se projeter dans l’avenir, notamment pour une société dont plus de 50% de la population à moins de 26 ans. L’accroissement des braquages fait partie des conséquences de cette insécurité sociale étant entendu qu’un Etat de droit ne peut à 100% garantir la sécurité sans réduire substantiellement les libertés individuelles. Modifier ce mode de fonctionnement de la société conduirait, à coup sûr, à réduire ostensiblement  ce niveau insupportable d’insécurité.

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