Amélie GAILLARD est une jeune fille de 20 ans qui a perdu la vie lors d’un « sound system » à Matoury. C’est toujours troublant de voir partir vers le monde éternel un jeune censé être plein de vie. Sur le plan émotionnel, cela apparaît comme une injustice parce que nous avons intégré dans nos circuits mentaux que le terme de la vie s’identifie à la vieillesse.
Le fatalisme colonise notre esprit et nous finissons par dire que c’était écrit. Mais, les mathématiciens ayant inventé le calcul des probabilités, j’ai envie de dire non au fatalisme des événements et crier avec force qu’il y a une erreur de destin et qu’il y a une faute de société. Elle aurait dû être, toujours, en vie.
Sa mère Lydie que je connais a dit qu’elle autorisait l'utilisation de la mort de sa fille pour combattre l’insécurité. C’est cette autorisation publique qui me pousse à vous faire partager ma réflexion sur le problème de la sécurité du territoire et sur le bien-vivre ensemble.
Si on ne veut pas qu’elle soit morte pour rien, arrêtons donc l’hypocrisie, arrêtons la démagogie, arrêtons le « foutage de gueule ». Ayons le courage de scruter la société et de nous exprimer en toute conscience. Le mensonge n’a jamais résolu aucun problème, il a plutôt compliqué l’existence. Il a généré des haines, il a détruit l’humain qu’il y a en chaque individu.
Le traitement de l’information à ce sujet a laissé croire qu’il n’y avait pas de responsabilité engagée. La seule accusation a porté sur la jeunesse, ce terme impersonnel avec son caractère éternel. C’est tellement plus facile. Il y a eu aussi, la mise en cause du « sound system ».
Ce traitement de l’information a également laissé émerger l’idée de fatalisme, il a laissé poindre la notion de malchance, de hasard, tous ces états qui ont une grande relativité en fonction des modèles de société.
L’image que nous renvoie la société est la conséquence des choix que nous faisons. Si l’on choisit une société dont la morale se fonde uniquement sur le monde matériel et rationnel, l’histoire résulte de cette association et nous devons accepter les résultats bons ou mauvais de cette conjonction. En regardant le monde, cette association est plutôt désastreuse pour le plus grand nombre.
Si nous choisissons une société dont l’éthique est indépendante du monde matériel et contribue à notre libération psychique nous aurons une société plus apaisée, une image moins catastrophique et une meilleure maîtrise des passions. C’est donc selon notre choix.
Par suite, associer le « sound system » à l’insécurité est un raccourci dangereux et peu courageux. Le « sound system » ne pose pas le problème de l’insécurité, il pose le problème de la politique culturelle sur notre territoire, il interpelle sur la mondialisation qui veut fabriquer l’uniformité des consciences individuelles et, met en exergue l’absence d’actes volontaires par nos représentants pour combattre cette colonisation culturelle.
On s’est acharné sur la question de l’autorisation pour l’organisation de la manifestation. Selon moi, quand bien même il y a les règles en la matière qu’il faut respecter, cet argument n’est pas le cœur du problème. Sur la Place des Palmistes, dans une manifestation officielle avec autorisation un jeune homme a été assassiné. Que dire ? Le vrai problème qui est posé est celui de savoir pourquoi autant d’armes circulent sur le territoire ? Comment peut-on s’en en procurer avec tant de simplicité ! Quel type de réseau s’active ? L’autre question fondamentale est que fait-on, d'abord sur le plan de l’information institutionnelle concernant les drogues et leurs effets et ensuite, surtout leur banalisation et leur circulation sur le territoire ? Aucune famille n’est à l’abri de ce fléau.
Enfin, la jeunesse a été prise à partie, elle a été accusée fortement. On dirait un exutoire pour adulte déresponsabilisé. Indépendamment de ce qui a été dit ci-dessus, l’image que renvoie la jeunesse n’est que le résultat du choix éducationnel que fait une société… La critique portée sur elle est la note que l’on attribue à l’exercice effectué par les adultes à leur encontre que ce soit sur le plan sociologique ou institutionnel. Accuser la jeunesse n’est pas autre chose que de s’accuser. Nous avons là la conséquence du pseudo pragmatisme qui apporte des réponses sans genèse et qui pense avoir résolu les problèmes dans l’immédiateté.
Cette société sans conscience est bâtie sur la facticité. Elle est donc incompréhensible et absurde.