Le conseil municipal prévu à 18 heures 30' dans la salle de délibération de la ville de Cayenne était consacré en partie au vote du compte administratif 2008 et au vote du budget primitif unique de 2009. Je fais, volontairement, abstraction des autres sujets compte tenu de l'importance de ces deux opérations et de leur densité.
Le Compte Administratif 2008
Tout d'abord, je dois vous informer que le compte administratif (C.A.) tenu par la collectivité municipale doit être accompagné du compte de gestion tenu par le comptable du Trésor. Aucun conseiller municipal n'avait ce document. Dans la rédaction du compte administratif il est stipulé que celui-ci est en concordance avec le compte de gestion. Malheureusement je ne suis pas en mesure d'en apporter la preuve.
J'ai donc écouté attentivement l'exposé de l'adjoint au maire délégué aux finances ainsi que son conseil financier, prestataire extérieur.
Je dois préciser que ma préoccupation en ma qualité de conseiller municipal et, par respect pour les électeurs qui ont porté leur suffrage sur mon nom, est le devenir de la ville de Cayenne en terme d'investissement, de dette et de financement.
Sur les grandes lignes du compte administratif, deux opérations ont particulièrement attiré mon attention. Il s'agit :
* D'une opération d'ordre intitulée "Transfert entre section" pour un montant de 19 931 451,27€ en fonctionnement
* D'une opération intitulée " Excédents de fonctionnement capitalisés" pour un montant de 12 246 176,22 € en investissement.
Je dois porter à votre connaissance qu'une opération d'ordre ne génère pas de flux financier.
Après l'exposé des personnes ci-dessus indiquées, je pose donc la question de savoir : Comment a été conçue l'opération d'ordre d'un montant de 19 931 451,27 € ?
Le prestataire me répond qu'il s'agit d'une écriture comptable qui leur a été recommandé par le représentant de l'Etat. En terme de transparence, aucun conseiller municipal, à ma connaissance, n'avait par-devers lui un support accréditant cette recommandation. Il me précise également que cette opération est liée à l'emprunt de restructuration sollicité à hauteur de 25 000 000 €. Sur le C.A. cet emprunt est validé à hauteur de 23 824 000 €.
En ce qui me concerne, quand bien même le financement des charges d'exploitation par emprunt n'est pas orthodoxe, la logique de l'écriture est plausible. Par contre, le montant imputé est contestable parce qu'il n'est pas cohérent et ne correspond pas à la réalité.
Ce qu'il faut savoir pour bien appréhender la logique de mon raisonnement et comprendre la préoccupation de la majorité municipale est le suivant. La Mairie selon le compte administratif a mandaté en couverture de la dette antérieure un montant de 10 381 497, 33 €. La mobilisation de l'emprunt destiné au financement des pertes d'exploitation antérieures, toujours selon le compte administratif, s'est faite à hauteur de 12 091 090 €. Je pars du principe qu'on émet un titre sur un tiers (État, Région, Département etc). Dans le cas d'espèces, la Mairie aurait émis un titre sur la banque qui a permis l'emprunt. Par voie de conséquence, l'écriture d'ordre aurait dû être du même montant que la partie de l'emprunt qui a été mobilisée.
A partir de ces éléments je dis au Conseil Municipal que l'écriture n'est pas justifiée et elle n'est pas cohérente. De deux choses l'une, soit il retient comme valeur, le montant des mandats émis c'est à dire 10 381 497,33 €, soit il retient le montant de la mobilisation effective de l'emprunt c'est à dire 12 091 090 €. J'aurais opté pour celui-ci. Mais, rien ne justifie la somme de 19 931 451,27 €.
Les deux personnes qui avaient en charge l'exposé ont marqué un temps d'hésitation car, ce sont des spécialistes et j'en veux pour preuve une des réponses de l'un d'entre eux qui a parlé d'écriture scabreuse. A cet instant, intervient le Maire pour dire qu'il est "debout derrière cette écriture". Ma réplique a été de lui demander s'il avait observé que nous n'avions pas le compte de gestion. Il a répondu agacé qu'il était là par-devers lui. Je lui répondis que je ne l'avais pas parmi mes documents.
Un calme souffle sur le Conseil Municipal et le Maire à l'attention des conseillers réplique qu'il s'agit d'une lecture comptable de ma part. N'est ce pas étrange cette soudaine relativité...
Conséquences sur le Résultat
Par ce jeu d'écriture la majorité du Conseil Municipal présente un compte administratif en excédent de fonctionnement pour un montant de 6 882 773, 20 €. Il apparaît évident que dans la réalité, au 31 décembre 2008, l'exercice présente une perte de (19 931 451,27 € - 12 091 090 €) - 6 882 773,20 € = 957 588,07 €.
Conséquence de l'absence du compte de gestion
On ne peut pas vérifier la réelle concordance entre le compte de gestion et le compte administratif en ce qui concerne les recettes et les dépenses réelles. J'en veux pour preuve qu'une collectivité peut émettre des mandats alors que le comptable du Trésor ne soit pas en mesure de les liquider faute de trésorerie. Par ailleurs, rien ne prouve que le prêt a été liquidé et qu'il figure dans la comptabilité du comptable du Trésor au 31 décembre 2008.
De ce qui ressort du compte administratif 2008, la trésorerie est :
* Déficitaire en fonctionnement de : -11 966 458,36€
* Excédentaire en Investissement de : 24 046 266,19€
Soit un excédent global de : 12 079 807,73€
On devrait conclure que le compte de gestion tenu par le comptable du Trésor est excédentaire de 12 079 807,73€ alors que l'emprunt n'a pas été liquidé dans son intégralité. Si la situation est aussi florissante, pourquoi n'avoir pas remis aux conseillers municipaux le compte de gestion arrêté au 31/12/2008?
Ma deuxième question portait sur les "excédents de fonctionnement". Les orateurs délégués aux finances ainsi que le Maire n'ont pu me donner une réponse satisfaisante. De mémoire, l'exercice 2007 corrigé faisait apparaître un déficit de l'ordre de : (21 757 392,29€ - 2 667 872,42€) = 19 089 519,87€. J'ai du mal à justifier ces excédents de fonctionnement capitalisés. Par suite, si je déduis cette somme de l'excédent de trésorerie ci-dessus, j'arrive à un déficit à hauteur de (12 246 176,22€ - 12 079 807,73€)= 166 368,49€
D'autre part, force a été pour moi de constater la différence entre la perte de 19 089 519,87 € et l'écriture d'ordre qui est de 19 931 451,27 soit un surplus de 841 931,40 €. Il y a certainement eu une régularisation dont je n'ai pas connaissance.
En raison de cette opacité, je me suis exprimé négativement sur le compte administratif et dans la cohérence de ma réflexion je me suis abstenu sur le vote du budget du fait du report du C.A 2008. Je reste convaincu que le souci de la majorité municipale était de présenter un compte administratif excédentaire.
Bien sûr, je suis le seul Conseiller à l'avoir fait et je l'assume pleinement.
Mon attitude est liée au fait qu'une collectivité est bien gérée s'il y a un équilibre entre ses investissements, sa capacité d'autofinancement et sa dette. Dans cette situation, je ne peux pas exprimer si le niveau d'investissement est trop fort, si l'augmentation de la dette est trop forte et si on ne s'oriente pas vers une augmentation des impôts locaux dans le court terme qui serait inadmissible.