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  • : Le blog de Jean-Marie Taubira
  • : Je suis Président du CRAPAG (Cercle de Réflexion et d'Action pour l'Avenir de la Guyane), Depuis le 10/12/2008, je suis le Secrétaire Général du Parti Progressiste Guyanais (PPG). Mon ambition est l'élévation de la conscience collective
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23 janvier 2022 7 23 /01 /janvier /2022 03:52

Depuis quelques temps il y a une grogne latente concernant le prix du carburant à la pompe sur le territoire guyanais. Les usagers pour leurs besoins personnels sont affectés et on peut regretter l’absence de transports publics efficaces lesquels amélioreraient le budget des ménages. Les professionnels, particulièrement eux, trouvent que le prix du carburant est insupportable. Cela peut se comprendre quand bien même ils peuvent répercuter cette augmentation dans le prix de vente de leurs produits. Le problème est que lorsque le prix de l’offre est aussi exorbitant il devient moins attractif, la demande se contracte et les agents économiques de production trouvent moins de débouchés et par voie de conséquence voient se détériorer leur marge et donc la pérennité de leur entreprise.

 

Une comparaison succincte entre le territoire Hexagonal et celui de la Guyane permet de mieux appréhender la situation. 

 

Dans l’Hexagone la fiscalité sur le carburant représente 57,10% du prix du sans-plomb à la pompe et 49,10% du prix du gasoil à la pompe lorsqu’elle est en Guyane de 40% du prix du sans-plomb à la pompe et de près de 33% du prix du gasoil à la pompe.

 

Toujours dans l’Hexagone, le pétrole brut représente 33,50% du prix du sans-plomb à la pompe et 37,60% du prix du gasoil à la pompe lorsqu’il est en Guyane de 36,31% du prix du sans-plomb à la pompe et de 39,87% du prix du gasoil à la pompe.

 

Enfin, quant au raffinage, il est dans l’Hexagone de 2,40%  du prix du sans-plomb à la pompe et de 6,10% du prix du gasoil à la pompe lorsqu’il est en Guyane de 12,29%  du prix du sans-plomb à la pompe sur la base de 0,22€/L et de 14,38% du prix du gasoil à la pompe sur la base immuable de 0,22€/L.

 

La distribution qui se décompose en Guyane en commerce de détail de carburants par le biais des Stations services et en commerce en gros par l’entremise de structures communément appelées distributeurs, le prix fixé par la Préfecture que l’on nomme "Prix administré" est de 0,20€/L aussi bien pour le sans-plomb que pour le gasoil. Ce montant se décompose de la façon suivante : 0,1104€ pour les gérants de Station services et 0,0896€/L(1) pour les distributeurs. Ces prix ont été fixés respectivement en 2013 et en 2008 et n’ont fait l’objet d’aucun réajustement depuis. Nous sommes en 2022. Autrement dit, la marge de la distribution s’amenuise à chaque hausse des prix et particulièrement des salaires.

 

Volontairement, je me tais sur l’approvisionnement en matières premières et sur le raffinage du carburant dans la mesure où il faut sérier les problèmes pour une bonne compréhension. Pour autant, il ne faut pas croire que tout est rendu intelligible sur ce segment de la structure du prix du carburant. Ce qui semble se dessiner est une explosion que ne mesurent pas les acteurs que sont la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG) et un porteur de projet.

 

On sait qu’en matière de produits pétroliers la France Hexagonale dépend à près de 99% de l’extérieur sauf qu’elle a une vraie économie et qu’elle peut se rattraper sur ses exportations. Par contre, dans l’économie de comptoir du territoire de la Guyane où la balance commerciale est structurellement déficitaire, l’économie du carburant est problématique et exige un autre mode de pensée. Nos voisins du Suriname et du Brésil ont des prix défiant toute concurrence. Faute d’autonomie ou d’indépendance, la théorie de David Ricardo sur « les avantages comparatifs » ne peut être mise en place.

 

Il me paraît important d’avoir un exposé aussi long avant d’en venir à ce qui est préoccupant et qui risque d’embraser aussi bien la Guyane que la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion. Il vaut mieux prévenir que guérir. La préoccupation est l’espèce de deal que la CTG et un commerçant de supermarché semblent avoir conclu en matière de commerce de carburants.

 

Le commerce de carburants est un vrai métier. Il ne laisse aucune place aux apprentis sorciers, aux amateurs et aux pseudos génie des idées. Parmi les informations que j’ai choisies, la CTG aurait conclu un accord avec le commerçant du supermarché dont l’activité principale serait complètement différente de celle qu’il veut embrasser au motif qu’il ferait baisser le prix du carburant. Quand bien même il a le droit d’exercer cette activité, il est important de distinguer les intérêts individuels de l’intérêt collectif. Il me semble que la CTG de par son système de légitimité est le garant de l’intérêt collectif. 

 

Afin que vous compreniez l’enjeu de la proposition de ce commerçant, il envisage de baisser le prix administré du carburant à la pompe. Pour ce faire il compte installer des distributeurs automatiques de carburants. Dans la mesure où il sera distributeur de gros et vendeurs de carburants au détail, il bénéficiera des 20cts d’euro par litre vendu, pendant que les distributeurs qui sont distincts des commerçants de carburants en détail perçoivent 8,96 cts d’euro par litre vendu. Il ne possède qu’une station services et il est son propre distributeur. Autrement dit, Il fera donc une concurrence déloyale tant à l’égard des autres distributeurs que des stations services. Cette idée d’automatiser les stations services n’est pas nouvelle. Elle avait  germé dans la tête des distributeurs en place. Elle n’a pas été retenue à cause des conséquences sur l’emploi. Dans l’Hexagone qui a une économie réelle, l’automatisation des stations de carburants a entraîné la perte de 350 000 emplois. Pour autant, le prix à la pompe n’est pas si inférieur à ceux de Guyane. En Guyane, il faut compter entre 300 et 400 emplois qui seront détruits alors que son type d'économie est complètement différend de celui de l'Hexagone. Il est plus fragile. Même en valeur relative il n'y a aucune similitude. Il aurait fallu que la Guyane ait 10 millions d'habitants pour oser une comparaison.

 

Les politiques sont de plus en plus décevants.  Ils ont pris l’habitude de ne pas voir plus loin que le bout de leur nez. Faire de la politique ne signifie pas répéter des phrases toutes faites du style « nul n’a le monopole du carburant ». Faire de la politique, c’est mesurer les conséquences de chaque acte, c’est prendre la mesure du territoire dont on a la responsabilité, apporter sa contribution à l’organisation de la société de sorte qu’il y ait de moins en moins d’injustice sociale, économique et juridique. C’est penser le court terme, le moyen et le long terme, avoir une certaine idée de la société, le dire aux citoyens lors des campagnes électorales et surtout le faire. La politique n’est pas de faire de la gestion à la petite semaine, elle a trait au bien être collectif, c’est donc l’organisation, l’administration du territoire qui est en jeu. 

 

Mettre en œuvre une telle idée correspond à augmenter le chômage, à mettre plus de familles dans la détresse alors que l’on sait que plus de 53% des guyanais vit en dessous du seuil de pauvreté. Il ne serait pas illégitime si les citoyens s'interrogeaient pour savoir s'il n'y a pas un lien alambiqué dans ce deal... Attention, là, une fois enclenché, il n’y a plus de retour possible. La structure des stations services dans l’Hexagone n’est pas identique à celle d’ici. Le carburant peut être un produit d’appel alors qu’il est une activité principale pour les gérants de station services en outremer. Il importe de se renseigner sur le commerçant qui a cette fameuse idée pour savoir s’il ne s’agit pas pour lui de faire de cette activité un produit d’appel pour son supermarché. Il est bon de rappeler qu’il n’est pas le premier à croire qu'il a une idée « géniale » qui s'avère par la suite apocalyptique.  Il y a eu récemment sur Saint-Laurent du Maroni un commerçant qui avait associé son commerce au vaccin contre le Covid 19 et qui avait fait "marche arrière toute" lorsque la fronde a eu lieu. 

 

Par cet acte, la CTG prend le risque de créer une explosion sociale car il s’agit d’une faute politique grave et lourde de conséquences. Il est évident que toutes les stations, aussi bien les propriétaires que les locataires gérants vont se mobiliser dans la mesure où il s’agit de sauvegarder leurs investissements et les cautions qu’ils ont donné pour exercer leur métier. Compte tenu de la similitude de cette activité dans les trois autres territoires ci-dessus cités il ne fait aucun doute que la situation va fortement dégénérer. Lorsque les gens souffrent, ils leur faut trouver un moyen de s'en sortir.  Ils ne peuvent le faire qu'en fonction des moyens intellectuels, spirituels et matériels dont ils disposent. La société telle qu'elle est conçue en Guyane est une fabrique de délinquants. Les gens deviennent  délinquants à cause des agressions de la société qui portent sur l'abandon du rôle de l'Education Nationale, la volonté de brider le développement endogène, et surtout la manipulation du diviser pour mieux régner 

(1) une petite erreur corrigée : 0,0896€/L au lieu de 0.896€/ 

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