J’ai vu, j’ai entendu. Ce que j’ai vu et entendu résonnent en permanence dans ma tête. Dans le pays qui m’a vu naître autrement dit la Guyane, j’ai vu des personnes déchaînées contre des naufragés qui fuient leurs pays. Ce ne sont pas des nomades comme il existait avant que la sédentarisation intervienne dans le croissant fertile au Moyen-Orient il y a un peu plus de onze milliers d’années. Il s’agit d’êtres humains fuyant les régimes autoritaires et la déstabilisation de leur pays par les grandes puissances impérialistes.
Depuis quelques temps, la parole brutale, décomplexée frappe les esprits. L’universalisme prôné par les humanistes vacille. Plus on avance dans le temps et plus la violence verbale cède la place à la violence physique. Ce que l’on entend dépasse l’entendement et pourtant ce n’est presque rien par rapport à ce que l’on voit. La honte que l’on ressent au vu de ces images, de ces comportements apparaît comme une attitude désuète tant ces photographies sont indignes de l’être humain. Cet être vivant censé ne pas pouvoir vivre sans penser. Comment peut-on exister et être de cette nature ? Je dois vous avouer que j’ai honte et de surcroît j’ai mal. Si la mort me fait prendre conscience du néant et par la même que j’existe, ces comportements m’indiquent que vivre n’est pas exister. Vivre peut également être le néant.
Qu’arrive-t-il à cette société sur le territoire guyanais pour engendrer une telle ignominie ? Qu’est-ce qui nous fait tant défaut pour que nous ne soyons pas en mesure de comprendre le monde, de voir les excès, les dérives des grandes puissances qui poussent à l’exode des peuples. Là où l’on devrait tendre la main on choisit le lynchage. Là où l’on devrait secourir, on tue. Là où l’on devrait aimer, on rejette. Les activités de l’esprit se sont tues. L’autre, parce qu’en apparence différend fait obstacle à la raison, à la réflexion, à l’interrogation. Bêtement, on répète une idée incomplète de feu Michel Rocard : La Guyane ne peut recevoir toute la misère du monde comme s’il s’agissait d’un dogme religieux. Preuve s’il en est besoin que l’argumentation qui est une des activités de l’esprit est défaillante, voire tétanisée par la bêtise.
Sommes-nous conscients de ce que nous sommes, de ce que nous pouvons représenter non pas en tant qu’essence mais en qualité d’esprit pensant. Les principaux élus se sont tous tus comme les représentants de l’Etat. Il n’y aurait rien à dire si l’on devait penser qu’ils représentent à merveilles la lâcheté. C’est à cause de la lâcheté que les idées d’extrême droite aliènent le cerveau des plus faibles et fait la place au fascisme. J’ai vu dans le reportage des personnes appartenant à une société philosophique humaniste à la tête d’autres personnes excitées qui voulaient en découdre avec les naufragés qui fuient les bombardements de leur pays. Honte à ces sociétés dites universalistes qui cooptent des individus incapables de comprendre l’adage : « connais-toi toi-même », honte à ces sociétés qui n’ont pas le courage de les exclure. Ces individus sont-ils suffisamment doués d’autonomie pour être utile dans un milieu en mouvement et transformer l’hostilité en fraternité ? Que font-ils dans ces sociétés s’ils ne sont capables que d’accompagner les idées réactionnaires plutôt que de résister. Virez-les s’ils ne servent à rien.
Ce vent de fascisme qui souffle sur le territoire mérite d’être neutralisé avant qu’il ne soit trop tard. Lorsque de telles idées se banalisent dans une société, il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’elle est profondément malade et que les principes de vie les plus nobles sont bafoués. En conséquence, la nation est agonisante, la République est morte et avec elle la démocratie.
Pour ma part, je continuerai contre vents et marées à m’exprimer sur ces comportements honteux et à affronter ces fascistes conscients et inconscients. Tout le monde perdra sa liberté si nous laissons faire. La lâcheté, l’indifférence, l’inconscience, l’insouciance, la peur ont le prix de l’existence qui cède sa place au néant. A chacun de se poser la question du sens de son existence aussi bien individuelle que collective.