Nous sommes à un tournant grave de notre histoire. Le sort de notre pays se joue en ce moment avec le projet de la montagne d’or. Pourtant, notre anxiété est à peine perceptible. Nous avons l’air perplexe face à ce qui se construit contre notre futur et particulièrement celui de notre jeunesse et des générations à venir. Nous ne percevons aucune trace d’angoisse pour nous contraindre à nous battre pour sauver notre territoire. Celui-là même qui a vu arriver il y a plus de 150 siècles les Amérindiens, les déportés esclaves il y a plus de 4 siècles et plus récemment, les déportés politiques de la guerre d’Indochine, les déportés politiques de la guerre d’Algérie. Nous nous sommes associés, nous nous sommes compris, nous avons inventé l’altérité dans nos pratiques avant que le mot ne se soit répandu. Notre Guyane, nous la voulions une ; des peuples et un territoire, nous l’avions accompagnée du qualificatif de carrefour des races. Nous avions avec peur, certes comme beaucoup de peuples, admis les différentes migrations depuis la deuxième partie du 20ème siècle. Que nous arrive t-il ? Nous avons coexisté avec nos histoires différentes. Nous avons associé nos histoires et cela nous a rendus forts. Cela nous a permis de vivre pacifiquement avec notre réalité. Que nous arrive t-il pour que nous soyons devenus aussi individualiste, pour que nous ne puissions pas pouvoir distinguer, collectivement, ce qui est de notre intérêt de ce qui ne l’est pas. Ne nous laissons pas duper, réfutons ensemble la division, l’indifférence. Qu’avons-nous fait de notre intelligence ? Ce socle d’où émerge notre dignité. Nous ne pouvons plus nous contenter des faits comme une fatalité, nous devons chercher à les interpréter pour mieux nous exprimer.
La France doit cesser d’avoir de grands projets dangereux hors de son territoire hexagonal. Je pense aux essais nucléaires dans le Sahara algérien, dans le pacifique en Polynésie française, l’activité spatiale en Guyane après avoir quitté l’Algérie, activité dont les données sur la pollution ne sont pas suffisamment précises concernant son intensité et la distance sur laquelle on la ressent. Sur les essais nucléaires dont on avait dit aux habitants qu’il n’y avait aucun danger, on sait aujourd’hui ce qu’il en est. La question n’est toujours pas réglée définitivement tant sur le plan judiciaire que sur le plan financier. Quant au plan de la santé, elle ne le sera jamais. Lorsque l’on est contaminé il faut un miracle pour s’en sortir.
Le projet de la montagne d’or est encore plus démentiel. Car, ce n’est pas l’Etat français qui en est l’opérateur mais bien des multinationales. Il y a la continuité de l’Etat… Il n’y a pas la continuité de multinationales. Lorsque nous serons contaminés par cette activité intensive, les multinationales auront disparu avec nos richesses et les élus qui se sont transformés en VRP pour ces mastodontes viendront raconter qu’ils ont été trompés et vous leur pardonnerez parce que vous vous contraindrez à croire qu’ils étaient naïfs. La réalité vous aura fait peur du début jusqu’à la fin.
Le site sur lequel les multinationales veulent intervenir semble t-il aurait des éléments archéologiques. Autrement dit, une histoire humaine, un creuset d'enseignements qui nous permettrait de mieux comprendre notre histoire humaine et de respecter le patrimoine culturel et spirituel des Amérindiens. La cupidité et l'incurie de ceux qui sont favorables à ce projet sont telles qu'ils ne sauraient appréhender l'importance de cette découverte qui a bien plus de valeur que leur pauvre opération minière qui n'est que mercantile.
Le prétexte de la création d’emploi est une supercherie voire une fumisterie. Le projet prévoit la création de 750 emplois directs et 3000 indirects. Les multinationales et les élus qui défendent ce projet se moquent de nous parce que dans leurs circuits mentaux ils ont une piètre opinion de nous. Ils pensent que leur opinion est la nôtre. Le taux de chômage dans le sens du recensement est de l’ordre de 26%. La population active est de 83000 personnes. Le nombre de chômeurs est donc de l’ordre de 21580 personnes. Que représentent les 3750 emplois non qualifiés sur le nombre de chômeurs ? De surcroît ces offres d’emplois risquent de ne pas trouver de demandes car, la Guyane n’est pas une fabrique de cancres et si elle l’était le déshonneur serait pour la "mère patrie". La cohésion sociale resterait toujours problématique et grave au vu du nombre de chômeurs. Puisque les élus locaux justifient le projet par la création d’emplois, Il faudrait au moins 5 autres projets du même acabit pour répondre à leur aspiration d’emplois étant entendu que pour eux, les 21580 chômeurs sont non qualifiés et n’ont pour ambition que de travailler dans la mine : « La mine ou mourir ». Ces élus seraient bien capables de signer ces cinq autres projets apocalyptiques. Depuis quelques temps la Guyane est une très mauvaise bande dessinée. Enfin, Il ne s’agit pas d’emplois durables puisque le projet a une durée de vie de 12 ans.
On a beau regarder dans tous les sens, ce projet est coûteux, risqué et d’aucun intérêt pour le territoire. L’Etat français a-t-il de bonnes raisons de livrer la Guyane aux multinationales. Il est prévu un impôt sur les sociétés à hauteur de 241M€ soit 20M€ en moyenne par an. A défaut d’un prévisionnel annuel, on peut émettre l’hypothèse que les 3 premières années seront déficitaires quand bien même la capacité d’autofinancement pourrait être positive du fait de l’amortissement dégressif qui serait pratiqué sur les investissements. Quel est l’intérêt pour le territoire guyanais ? On ne peut s’empêcher de penser que seuls des intérêts individuels justifient ce projet. Il s’ensuit qu’une telle hypothèse rappellerait un système oligarchique et non celui d’une démocratie. A moins que l’Etat ait décidé de faire avec la Guyane la même opération qu’avec la Louisiane, cette fois-ci avec des multinationales.
Sur cette opération de pillage de nos ressources naturelles, le consortium prétend réaliser un profit net, en fin de durée de chantier de 352 M€ subventions comprises à hauteur de 420M€ (chiffre WWF). Il n'est pas difficile de comprendre que le profit vient en partie conséquente des subventions. On pourrait assimiler cet aspect de l'opération au mécanisme de blanchiment d'argent. Par ailleurs, il ne s'agit là que de la première phase d'une grande opération... Que va faire le consortium de cet or extrait de la mine ? Il faut donc s'intéresser à sa destination. Le segment de marché le plus porteur est celui de la joaillerie qui représente 57% du marché de l'or. On peut "capitalistiquement" penser que la voie choisie est bien celle-là. Et, sur cette deuxième phase exit la Guyane or, c'est la phase la plus porteuse, celle où la plus grosse valeur ajoutée est réalisée. Même l'Etat est lésé dans cette affaire. N'est-ce pas scandaleux ? C'est donc ici (qui est l'acheteur de l'or qui sera transformé en bijoux ?) que se pose le problème de l'intérêt de cette opération pour le développement de notre territoire. C'est donc ici également que légitimement on peut penser que se définissent les intérêts individuels de l'opération.
En tout état de cause, les retombées pour la Guyane sont extrêmement négatives et la plus inquiétante est la division de la population (Amérindiens contre créoles) à l’image de ce que les sociétés occidentales ont réalisé dans la région des Grands Lacs en Afrique et particulièrement au Rwanda et au Burundi. Les autres ne sont pas moins inquiétantes, il s’agit de l’empoisonnement des sols et des cours d’eau et quand on connaît la géologie de la Guyane, c’est tout le territoire qui sera contaminé. Les retombées financières quasi nulles. Au meilleur des cas et vraiment extrêmement optimiste, 59M€ sur 12 ans soit sensiblement 5M€ par an sur un Budget de la Collectivité Territoriale de 805M€ ce qui représente 0,621% (notez qu’une partie des 5M€ ira pour la commune d’où est extrait l’or. Paul Isnard est sur la commune de Saint-Laurent du Maroni. Si je ne me trompe pas la quotité est de11%)
Si la population ne se mobilise pas massivement contre ce projet, on aura compris qu’elle n’a pas une digne opinion d’elle-même. "Qui veut du respect s’en procure".