Chers amis nous sommes réunis ce jour pour débattre du sujet que j’ai l’avantage de vous présenter et que j’ai intitulé « Combattre l’ignorance ». Pour éviter de nous disperser, je vais définir les limites de son expression. Mais auparavant, permettez-moi de vous dire que si en apparence le sujet paraît facile, à la réflexion il est bien plus complexe qu’on ne le pense. Combattre l’ignorance c’est admettre qu’elle existe. Si elle existe, cela signifie qu’on l’a identifié. Comment peut-on l’identifier ? On pourrait répondre parce qu’on se situe au-dessus d’elle… C’est là que commence toute la difficulté. En effet, il faudrait être présomptueux pour penser que la problématique de l’ignorance et par implication de la connaissance se pose en ces termes absolus. C'est-à-dire en deux blocs dogmatiques. Je vous propose donc les limites suivantes. Pour chaque individu, la limite commence à la naissance ou chacun naît ignorant (hypothèse rationnelle). L’autre extrémité est la mort ou chacun à la suite de sa naissance, a toute son existence pour accumuler du savoir. Pour l’humanité elle commence à l’apparition de l’homme et tend vers l’infini. Mais, de quel savoir s’agit-il ?
Puisque je pose la question de la nature du savoir, je dois admettre que l’ignorance est relative. Elle est fonction de l’espace-temps. En conséquence, l’ignorance n’est pas l’absence de savoir mais un savoir limité, voire faux, falsifié, subjectif, assis que sur la seule expérience d’un individu sans qu’elle ait été vérifiée.
Pour vous bousculer un peu mes amis, quand bien même il y a plusieurs manières de définir l’ignorance, je ne vais pas vous faire l’injure de rappeler le sens étymologique du mot. Je préfère retenir la définition philosophique de l’ignorance en tant qu’écart entre la réalité et la perception que l’on a de cette réalité. Il en ressort que l’ignorance ou non va se manifester à travers cette perception. Il nous faudra admettre qu’il y a des éléments qui l’orientent. Ceux-ci peuvent bien être des préjugés, ils peuvent être aussi un savoir authentique…
Dans le corps de mon développement vous entendrez souvent les termes savoir et connaissance. Pour vous mettre à l’aise je préfère vous dire mon entendement sur eux. En partant du principe du Big-bang je conçois que le savoir s’inscrit dans l’espace post Big-bang et serait le champ du connu. La connaissance appartiendrait à l’espace pré Big-bang et configurerait le domaine de l’inconnu. Le connu trouve sa source dans l’inconnu. Une fois manifesté il devient scientifique. C’est ainsi que l’on dira : la lumière jaillit des ténèbres. Bien entendu, cela reste subjectif et vous avez le droit de ne pas le partager.
Je vous rappelle que le titre de ma planche n’est pas l’ignorance mais combattre l’ignorance. Qu’est ce que je souhaite dire par là ? Dans le développement que je vais vous soumettre, je tenterai de l’expliciter. Dors et déjà, je vous demande de prendre acte que je suis conscient de la double ignorance c'est-à-dire quelqu’un qui ignore qu’il est ignorant.
Nous admettons que lorsque nous arrivons au monde, l’espace dans lequel nous allons évoluer contient un certains nombres de savoirs universels. Car, bien évidemment, ce n’est pas à chaque génération qui arrive de découvrir ce qui existe déjà. Nous devons considérer que l’humanité enregistre ses connaissances sur différents supports. Cela va depuis les différentes inscriptions dites primitives en passant par les cartouches, l’imprimerie et les supports informatiques d’aujourd’hui.
Nous comprenons donc que tout en venant au monde ignorant, il y a à notre disposition des éléments de la connaissance et du savoir. Dès l’instant où nous manifestons notre capacité à percevoir, à comprendre, à analyser, nous entrons dans l’apprentissage du savoir et de la connaissance. Ce premier pas nous indique que nous venons de franchir le mur de l’ignorance car, à partir du moment où nous avons franchi cette étape, force est de constater que nous savons que nous ne savions pas ce que nous venons de savoir. En quelque sorte nous venons d’identifier l’ignorance. Restons un peu sur cette observation. Que pouvons-nous en déduire ? Ce que nous avons vu avant notre instruction n’est pas ce que nous voyons après. Et là se pose le problème de la relativité de la perception et on comprend, bien évidemment, en tant qu’observateur avisé, que la perception des choses est fonction de notre niveau de conscience alimenté par la connaissance et le savoir. Par suite, nos yeux constituent l’outil de perception mais pas la perception elle-même. Vous allez certainement admettre avec moi que chaque étape de notre conscience va déterminer le niveau de perception de la réalité qui résulte de la combinaison des savoirs dont nous nous sommes instruits et que nos neurones ont captés. Ceci nous pousse à dire que le savoir et la connaissance organisent notre réflexion. Par implication, la réalité est tributaire de notre niveau de conscience. En fait, il y a dans le cas de la perception des réalités possibles qui vont du simple au plus complexe. Seulement, si cette situation ne pose pas de problème sur le plan individuel, dans le cas qui nous intéresse en tant que membre de notre cercle de réflexion, elle génère la problématique de la cohérence sur le plan collectif. Elle pose le problème de la construction et de la structuration d’une communauté humaine parce qu’on n’est plus dans l’intime, on est dans le collectif.
Vous observez en même temps que moi que la réalité étant fonction de la perception qui dépend de notre niveau de savoir et de connaissance, l’ignorance est donc relative. Elle s’exprime également en termes de niveau. On peut donc être instruit mais pas suffisamment. Une fois que l’on a eu accès au savoir, à la connaissance, on doit prendre conscience que leur limite tend vers l’infini. En terme ésotérique c’est cet infini que l’on va envisager comme une intelligence supérieure que l’on va appeler éventuellement le Divin. Autrement, tout ce que l’on aura acquis sera considéré comme scientifique. En conséquence, à chaque fois que nous augmentons notre savoir, notre connaissance, nous réduisons ou mieux nous faisons disparaître notre ignorance. S’instruire, se cultiver est une permanence. Un des exemples que nous pouvons avancer est l’atome. Dans la Grèce antique, Démocrite et Lucrèce le considéraient comme le plus petit élément de l’Univers. Ils l’ont appelé atome parce que le terme signifie en grec incassable. Au début du XXème siècle les physiciens ont bâti l’accélérateur de particules et voilà que l’on constate que le noyau atomique est composé de neutron et de proton. Voilà comment l’atome n’est plus le plus petit élément de l’univers (espace-temps).
Nous voyons bien qu’en tant qu’être humain, le savoir et la connaissance sont nos attributs. Si nous n’en sommes pas conscients, nous sommes appelés à subir, à se soumettre. Par contre, si nous en sommes conscients, nous sommes destinés à la responsabilité et à être acteurs de notre propre destin. Du coup, ça nous conduit à avoir une haute opinion de nous pour nos qualités humaines.
Prendre conscience que la connaissance, le savoir sont les déterminismes de notre éveil tant individuel que collectif nous oblige, par engagement et responsabilité à lutter pour trouver la cohérence entre les humains et bâtir une communauté de citoyens forte. Elle nous pousse à avoir un regard systémique sur cette construction et à appréhender les humains comme les lettres de l’alphabet, les notes de musiques pour trouver la voie de la compréhension, de la cohérence et de la cohésion. Acquérir du savoir nécessite des efforts efficaces. Autrement dit, comprendre, analyser, vérifier, critiquer.
Vous avez certainement compris la nécessité de disqualifier l’ignorance si nous voulons, en tant qu’Homme de réflexion, rayonner dans la cité. Notre obligation s’exprime par la volonté de réduire fortement nos aspérités.
Combattre l’ignorance est de se donner les moyens de s’élever pour mieux appréhender la réalité collective. On peut le faire par l’entremise d’une compréhension plus soignée, plus subtile, plus sophistiquée et correctement construite.
Notez qu’aujourd’hui la pluralité des savoirs est telle qu’un individu ne peut pas tout savoir. Il finit par se spécialiser. Aussi, ce qui doit nous apparaître indispensable est notre capacité à coordonner toutes ces spécialisations pour atteindre l’objectif. Sinon cette fragmentation de l’unité n’a pas de sens.
Je suis à votre disposition pour le débat.