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  • : Le blog de Jean-Marie Taubira
  • : Je suis Président du CRAPAG (Cercle de Réflexion et d'Action pour l'Avenir de la Guyane), Depuis le 10/12/2008, je suis le Secrétaire Général du Parti Progressiste Guyanais (PPG). Mon ambition est l'élévation de la conscience collective
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3 mai 2015 7 03 /05 /mai /2015 04:23

Il est difficile de regarder ce territoire situé en Amérique du Sud entre le Brésil et le Surinam et rester indifférent tant sa composition humaine est sublime, tant son environnement est riche de sa faune, de sa flore et de son sous-sol. Il est extrêmement difficile lorsque l’on y est né et que l’on connaît l’histoire de cette partie de l’humanité de rester insensible à la trajectoire des hommes et des femmes qui se sont battus pour leur liberté, pour le respect de leur dignité, qui pour certains, malgré le long voyage de l’atlantique ont su se fondre dans cet espace et assurer la continuité de l’espèce humaine, pour d’autres, malgré les souffrances, les injustices, ont su intégrer cet espace et ont continué à perpétuer l’existence humaine par la procréation. Nous sommes la preuve de leur existence, nous sommes la preuve des faits historiques. Il est certainement difficile pour ceux qui n’y sont pas nés et qui se sentent concernés par le devenir de ce territoire, parce qu’ils sont venus chercher la vie et qu’ils sont convaincus qu’il n’existe qu’une seule espèce humaine, d’accepter le cap qu’on lui destine. Puisque nous ne voulons pas être aveugles de notre histoire, puisque nous voulons partager cette histoire, puisque nous voulons la rendre commune pour nous en sortir, au-delà de notre morphologie apparente, identifions les auteurs qui pérennisent cette chaîne humiliante. Mettons un terme à cette succession de traumatismes qui traversent toutes les générations et trouvons les enchainements pertinents qui nous conduisent à nous élever, à nous émanciper à nous libérer….

La Guyane, quoi qu’on en dise est l’extermination des Amérindiens par la colonisation depuis le 16ème siècle. Au 19ème siècle alors que l’on recense un peu plus de 1 500 rescapés Amérindiens il est fait état de maladies les ayant décimés. Mais, d’où sortent ces maladies qui ne les avaient pas anéantis auparavant lorsqu’au 16ème siècle ils étaient plus de 30 000. Les Amérindiens n’ont jamais été inactifs. Ils ont été rebelles, se sont défendus, ont défendu leur territoire et ont comptabilisé des victoires quand bien même ils ont perdu la guerre coloniale. De 25 000 au 17ème siècle, ils sont recensés au 21ème siècle à hauteur de 9 000.
Au regard de cette histoire et de l’enjeu tant sur la biodiversité que sur les ressources du sous-sol et de ce que peut représenter comme obstacle l’immensité du PAG, la situation de CAMOPI où l’on observe un taux incroyable de suicide de jeunes Amérindiens, doit être scrutée dans les moindres détails par tous ceux qui se disent humanistes au-delà de leur apparence physique. Les Amérindiens ont droit à l’instar de tous les êtres humains à leur complet libre-arbitre. Le leur refuser soit par le silence, soit par manipulation intellectuelle, c’est leur priver de liberté…

La Guyane ; c’est la population Africaine arrivée dans des conditions inhumaines au 17ème siècle sous Louis XIV, dans le cadre de l’esclavage. Ils sont plus de 12 000 âmes à avoir résisté à ce long et pénible voyage de la traversée de l’atlantique. Ils sont à l’origine du développement de la colonie par le travail et les chaînes, de sa superficie par le marronnage. L’histoire des noirs de Guyane, c’est le travail servile, l’obligation du baptême catholique, le marquage au fer rouge comme pour les animaux, la dépossession de leur patrimoine culturel et de leur vraie identité. Au regard de cette histoire, ceux qui se disent humanistes au-delà de leur conviction religieuse, philosophique, spirituelle doivent explorer minutieusement la partition du territoire en espace littoral, central et méridional. Leur refuser leur libre-arbitre, c’est s’opposer à la loi d’attraction qui engendre l’altérité

La Guyane ; c’est aussi la population créole née du métissage, pour certains avec violence, qu’il ne faut pas confondre avec la conception hispanophone et lusophone du créole blanc. Cette population que l’on pourrait appeler sans arrière-pensée, les créoles traditionnels, n’y voyez pas de concept de rang d’occupant territorial, permet de comprendre que les créoles issus de l’immigration qui est également le résultat d’une souffrance peuvent, néanmoins, dans certaines circonstances, choisir la nationalité de leurs parents alors que ceux « traditionnels» en raison de leurs trajectoire historique n’ont pas ce choix-là. C’est la population qui a le plus subi l’aliénation qui dépersonnalise et qui jusqu’à nos jours explique certains comportements. Leur présence massive sur le littoral est une conséquence de cette histoire coloniale où la densité par habitant, aujourd'hui, est de l’ordre de 81 habitants au Km² sans les infrastructures adéquates. Au regard de cette histoire, ceux qui se disent humanistes doivent comprendre la nécessité d’une libération instinctuelle qui doit engendrer la liberté absolue de conscience.

Malgré ces histoires inhumaines, traumatisantes d’une république coloniale et esclavagiste la France a ajouté à ce territoire d’autres traumatismes.

C’est ainsi que la Guyane devient le lieu de déportation de la France avec tout d’abord le Bagne de Sinnamary. Puis, après la deuxième abolition de l’esclavage, le bagne des îles du Salut, de Saint-Laurent du Maroni et de Saint-Jean du Maroni. Un double traumatisme. L’un pour les habitants de ce territoire déjà atteints de traumatisme et qui dans leur esprit allaient recevoir les plus grands criminels de la France alors qu’il s’agissait en grande partie d’opposants politiques. L’autre traumatisme concerne les déportés eux-mêmes qui pour la majorité d’entre eux étaient condamnés pour leurs idées et devaient traverser l’atlantique pour une terre inconnue. Au regard de cette histoire ceux qui se disent humanistes au-delà de leur morphologie apparente doivent reconnaître cette trajectoire inhumaine et œuvrer pour que jamais les êtres humains ne soient dans cette situation.

La Guyane, c’est la départementalisation de 1946 qui, dans une configuration géopolitique et géostratégique commandée par les conditions de l’après-seconde guerre mondiale, se substitue à la colonisation pour légalement maintenir le territoire quasiment dans la même conformation en étant en contradiction avec le préambule de la constitution de la quatrième République d’octobre 1946 dont l’Assemblée de l’Union française était constituée de la Métropole et de la dépendance d’outre-mer. Ceux qui se disent humaniste ne peuvent de générations en générations accepter que les lois de la République soient autant foulées aux pieds donnant le sentiment que ce territoire est la partie bananière de la République

La Guyane c’est l’efficacité du système assimilationniste qui arrive à formater certains cerveaux de sorte que l’humiliation n’est plus perpétrée directement par la structure centrale comme dans  l’organisation coloniale où le pouvoir réel était tant par sa forme que dans son fond entre les mains des fonctionnaires venus de métropole mais, par certains sujets du système, sur la forme. C’est ainsi que le referendum du 10 janvier 2010 a vu un seul élu, d’une collectivité municipale certes majeure, en la personne de l’actuel Président de Région, contre tous les principaux élus nationaux et territoriaux du territoire dont la députée de la première circonscription aujourd’hui Ministre d’Etat, de la Justice et garde des sceaux, convaincre une majorité suffisante d’électeurs de faire le choix de l’article 73 sur l’article 74 autrement dit, de préférer la paresse à l’audace, l’assistance à la responsabilité. Cette fois-ci, il faut que ce soit notre dernier traumatisme. Nous devons refuser de descendre plus bas.

Il nous faut en finir avec cette forme d’organisation qui voit de plus en plus de jeunes errer, faire les poubelles, se déconnecter de la société. Une organisation qui conduit de plus en plus d’adultes à se résigner à la déchéance humaine, à croire que notre territoire  est maudit, que sa richesse n’est pas pour nous. Il nous faut mettre un terme à la paupérisation de notre territoire, inverser les indicateurs économiques et sociaux qui sont le résultat de l’échec des différentes politiques menées depuis la colonisation jusqu’à nos jours. Il nous faute dire Halte.

A suivre…

«Le prochain article traitera de la sortie du traumatisme dans une démarche prospective ».

 

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